Je quitte l’hôtel au petit matin, c’est une longue journée de bus qui m’attend. Les seuls bus directs pour Potosi sont des bus de nuit, avec une arrivée entre 4 et 5h du matin. Moi j’aime bien éviter de me retrouver en plein milieu de la nuit dans une ville que je ne connais pas alors je préfère partir tôt et faire un changement de bus dans la journée. J’arrive à la gare routière à 7h du matin complètement détendue, l’hôtel m’a assuré qu’il y avait des départs toutes les heures pour Oruro, je suis large dans mon timing, je ne devrais pas arriver après 17h à Potosi. En entrant dans la gare, je m’étonne un peu, de toutes les personnes qui me sautent dessus pour me vendre un ticket de bus, personne ne cite Oruro. Je m’adresse à un premier guichet, il me dit que le prochain départ est à 11h. Quand je lui dit que c’est trop tard pour moi, il me dit qu’il n’y a pas de départ plus tôt aujourd’hui. Je lui fais mon regard de celle à qui on ne la fait pas et je pars m’adresser à une autre compagnie. Qui me dit la même chose. Hasard me dis-je ! Je me dirige vers une troisième compagnie légèrement plus vacillante qu’à mon arrivée. Elle me dit que le prochain départ est à 11h. Enfer et damnation ! C’est un complot. Je prends mon air buté alors même qu’elle m’explique gentiment qu’il y a une course cycliste qui bloque la route toute la matinée. Je l’écoute mais je ne l’entends pas, je reste bloquée sur le fait que je me suis réveillée à 6h du matin soutenue par la seule idée que je pourrais illico presto me rendormir dans le bus. Je veux un bus. Je fais le tour de toutes les compagnies jusqu’à tomber sur le petit malin qui m’annonce que son bus à lui il partira à 10h55. Alléluia, en voilà un qui sait me parler ! Une fois mon billet en poche, j’erre dans la gare routière jusqu’à trouver une place assise entre un enfant qui pleure et un monsieur qui fume. Bref je vous passe l’attente interminable, le sommeil inassouvi, la carte sim qui ne marche plus, l’enfant qui me donne des coups de pieds, la liseuse qui n’a plus de batterie, l’ennui profond, le désespoir. Finalement 10h55 arrive et je monte dans le bus. En Bolivie systématiquement le départ c’est tout un folklor, une ribambelle de vendeur ambulant entrent tour à tour dans le bus, versant j’imagine un petit pourcentage au chauffeur qui ne démarre que lorsque l’insurrection générale prend possession des passagers qui hurlent alors en cœur « VAMOS !!! ». Cette fois-ci n’échappe pas à la règle, la seule différence avec mes précédents trajets et que je fais partie des premiers insurgés et hurle « vamos » avec la plus grosse de mes voix. On finit par partir puis par arriver à Oruro. J’attrape à la volée une correspondance pour Potosi, mon bus s’arrête à mi chemin devant une grille tenu par trois manifestants et n’en repart que trois heures plus tard. Je n’ai même plus la force de râler intérieurement, de toute façon je me consume de faim. J’arrive à Potosi après minuit. Le bus nous dépose dans une petite ruelle sombre. Autour de nous pas un chat, seulement des chiens errants, aucune circulation. Un seul monsieur se présente comme chauffeur de taxi. Je ne goûte pas particulièrement ce moment où je sais que marcher jusqu’à l’hôtel n’est pas une option et où la seule solution qui s’offre à moi est de monter dans la voiture d’un inconnu sur laquelle il n’y a même pas marqué Taxi. Par contre je suis à la limite de la joie et de la gratitude éternelle quand je comprends que le chauffeur embarque aussi une famille de cinq boliviens. Dans la voiture tout le monde me pose plein de questions et me dit que ce n’est pas très prudent pour une femme seule d’arriver ici au milieu de la nuit (mais je devais arriver à 17h !!!). J’arrive à l’hôtel épuisée et rassurée. Le gardien, passablement soûl, décide de me raconter l’intégralité de sa vie, relativement longue et déprimante, dans une langue qui me semble beaucoup plus proche du portugais que de l’espagnol avant de me laisser aller me coucher. Une fois dans ma chambre un des deux jeunes hommes qui occupent déjà mon dortoir entreprend de soupirer très fort et très souvent histoire que je comprenne bien que mon arrivée tardive le dérange au plus haut point (MAIS JE DEVAIS ARRIVER A 17H !!!). Je me couche toute habillée en me disant que je me changerai quand le râleur se sera endormi. Il fait une insomnie. A chaque fois que j’entreprends un mini mouvement pour retirer mon jean sous mes draps il soupire de plus belle. Un vrai régime de la terreur. Je me dis que cette journée fait partie du top 3 des journées les plus pourries de mon voyage.
La journée du lendemain commence nettement mieux, à peine sortie de ma chambre j’aperçois les copains de l’Amazonie, je suis tellement contente de les retrouver que j’oublie tout, la fatigue, le tyran qui occupe ma chambre et qui continue de soupirer, en plus il y a des pancakes au petit déjeuner. A peine assise à table, je sens que quelqu’un me tapote l’épaule c’est Etienne et Justine avec qui j’avais passé une journée shopping à la Paz ! Le monde est encore plus petit en voyage qu’à Paris ! Avec les copains on passe une journée tranquille à Potosi, je découvre la ville dont je n’avais rien vu la veille. Le contraste avec Cochabamba est saisissant, la modernité a disparu, les palmiers aussi, pendant que les tenues traditionnelles sont de retour. On visite, on fait des photos, on me promet des crêpes qu’on ne trouve jamais et on découvre que le dimanche soir à Potosi on ne peut rien manger d’autre que des pizzas. Des pizzas toute singulières, John a pris une quatre saisons, il se retrouve avec une part maïs, une part oignons, une part tomates et une part champignons. C’est très joli. Ce n’est pas très bon. On joue aux cartes et je découvre en moi une furie avide de victoire. Je croyais que je n’étais mauvaise joueuse qu’en famille. Il faut croire que je me sens vraiment très à l’aise avec ces copains là (les pauvres). On se monte la tête aussi. On avait prévu de retrouver Cédric et Eric (les copains du trek de Santa Cruz) et leurs amies Julia et Anaïs le lendemain à Uyuni mais il nous apparaît tout à coup à tous que partir de Tupiza pour visiter le Sud Lipez et le Salar d’Uyuni serait tellement, tellement mieux qu’on passe une heure à essayer de contacter les garçons qui se trouvent à Sajama (en passe de devenir le lieu le plus prisé de Bolivie tellement j’en parle à tout le monde). On se transforme en détectives privés et on téléphone à tous les numéros existants à Sajama pour les avertir. En vain.
Le lendemain on part quand même pour Tupiza. On a laissé tellement de messages aux garçons qu’on ne doute pas qu’ils sauront où nous trouver. Et en effet ils nous répondent assez vite, ils nous rejoindront le lendemain soir pour s’éviter un trajet trop long dans la même journée. On a donc une journée de libre à Tupiza et ça tombe bien, il y a une piscine dans notre hôtel. Toutefois on ne se contente pas de se la couler douce on part aussi faire une balade à cheval, ce qui n’est pas tout à fait rien pour les néophytes que nous sommes. On me met sur un cheval que je trouve démesurément grand et si on m’assure que c’est un poney je n’en crois rien, c’est un véritable monstre je le vois bien. Après avoir avancé un moment le long d’une petite route on arrive dans une espèce de clairière aride dans laquelle est regroupée une ribambelle de chiens errants. Je n’ai jamais été aussi contente de me trouver sur le dos d’un monstre. Surtout qu’un certain nombre d’ossements traînent négligemment à proximité des toutous squelettiques. Ensuite on entre dans le farwest. Le paysage est si sec et escarpé qu’on se croirait dans un autre pays. Le guide qui nous accompagne est mutique, il monte à cru et se contente de tourner autour de nous en nous disant de temps en temps de mieux tenir les rênes. Il s’applique si bien à ne pas croiser nos regards qu’on ose à peine lui sourire. De toute manière quelque soit la façon dont je tiens les rênes mon cheval se contente de suivre les autres de son pas tranquille. Je pensais que ce cheval gigantesque me ferait vivre milles aventures, n’attendant qu’une broutille pour galoper au vent et me perdre dans un labyrinthe de roches orangées, il n’en est rien, Monsieur est de la catégorie pépère. Je suis à la fois rassurée et déçue, il faut croire que je suis une peureuse qui aime à trembler. Quoi qu’il en soit le paysage est beau, très différent de tout ce que j’ai vu jusqu’à présent, on aurait envie de s’enfoncer encore plus avant dans cette nature aride et hostile. Mais il est déjà l’heure de rentrer, de sauter dans la piscine, de manger une crêpe, et hop on retrouve Eric et Cédric et aussi Julia et Anaïs avec qui on fait connaissance. Demain c’est le grand départ, celui qui nous mènera en quatre jours du Sud Lipez au Salar d’Uyuni.
Toujours autant d’intérêt a suivre ce passionnant périple avec toutes ces situations des plus insolites …Que de richesses acquises . Bravo Charlotte.
Jeudi , direction Neuilly avec Virginie..vive le Perche ; ça c’est une autre histoire !….